La Radio Plogoff de la Pentecôte 1980

En 1980, la résistance des habitants de Plogoff contre le projet de centrale nucléaire à la pointe du Raz a été marquée par six semaines d'affrontements avec les forces de l'ordre lors de l'enquête d'utilité publique de février-mars. Fin mai, un grand rassemblement est prévu pendant les trois jours du week-end de la Pentecôte sur le thème de Plogoff-Larzac, même combat.
A Paris, les activistes de l'ALO, l'association pour la libération des ondes, aimeraient profiter de cet évènement pour monter une radio pirate. Mais les habitants de Plogoff se méfient de toute récupération de leur combat. Dans un premier temps les "Parisiens" se heurtent à une fin de non recevoir.

Les Parigots à Plogo
Ils reviennent cependant à la charge patronnés par des militants du Larzac. Et là, les portes s'ouvrent. Quand je suis arrivé à la mairie de Plogoff, le maire m'a simplement donné un numéro de téléphone", se souvient Francis Lattuga, un vétéran de la lutte contre le monopole d'Etat. Je suis allé dans une cabine téléphonique et là une personne m'a donné rendez-vous." Il rencontre alors Yves, un vétérinaire qui lui demande ce dont il a besoin pour monter la radio. /Je lui ai dit qu'il faudrait tout d'abord un mat d'une dizaine de mètres. Il m'a répondu si 33 mètres me convenait !
Les voilà partis voir le mat en question. Il s'agissait d'un pylône appartenant au veto mais qu'il n'utilisait plus pour son boulot. Je lui également demandé deux batteries de 12 volts en cas de coupure de courant. Il m'a dit si je vous en procure douze de 24 V provenant de tracteurs, ça ira ? C'était le rêve !

La station émet sur deux fréquences

La petite équipe de radioactivistes s'installe dans le grenier d'une maison appartenant à la famille d'Annie Carval, la présidente du comité de défense. Nous ne sortions pas le jour, uniquement la nuit, témoigne Francis, aujourd'hui encore impressionné par l'organisation des habitants de Plogoff. Secrètement certains d'entre-eux installent la base du pylône en coulant du béton puis en dissimulant le tout par de la végétation. Le samedi matin, des milliers de sympathisants commencent à converger sur la commune de Plogoff. Toute opération de police devient impossible.

Le pylône monté en dix minutes
A 11 heures, nous avons reçu le feu vert. En dix minutes, le pylône a été dressé et haubané par une vingtaine de gars, avec ses deux antennes et le câble branché au studio du grenier. On a émis aussitôt. Tout a été prévu. La radio dispose de deux antennes et de deux émetteurs. Elle peut diffuser sur deux fréquences. Bien vu, car le brouillage commence. Les autorités n'avaient qu'un brouilleur. Nous disions donc aux auditeurs de changer de fréquence. Le brouillage a fini par s'arrêter.

Relayée en direct sur Paris

Un pylône bien haut, un endroit bien dégagé, une bonne puissance et une bande FM déserte, Radio Plogoff diffuse sur une bonne moitié de la Bretagne sur 100-101 mhz. En plus, via le téléphone, elle était relayée sur Paris par la station pirate Radio Image. Le premier soir, les animateurs épuisés, ferment l'antenne à 2 h. Mais à 7h du mat', on a reçu un coup de fil pour nous dire de reprendre les émissions. Durant le week-end, de nombreux concerts et interventions ont lieu. Yves avait bricolé son émetteur de vétérinaire qu'on utilisait pour faire des directs. La radio émettra tout le week-end de Pentecôte jusque tard le lundi, vers 3 h du mat. Les autorités n'auront rien vu venir, ni rien pu faire.

A la mode des commandos
L'organisation avait tout d'un commando. On avait changé les plaques de voitures et on s'appelait par des noms de guerre. Il y avait Monsieur Charles, Maître du monde et Paco. Pendant un an, les flics ont cherché qui était ce Paco. C'était moi! Pour Paco-Francis, ce week-end aura été doublement inoubliable. Son fils est en effet né le samedi de ce fameux week-end de Pentecôte. Longtemps, mes copains l'ont surnommé Larzac-Plogoff.